traditions et culture mahoraise
Comprendre une culture différente c’est mettre de coté notre jugement de valeur basé sur une comparaison avec notre mode de vie et les principes des sociétés occidentales….et ce n’est pas facile !!! Mais combien enrichissant si l’on y parvient !
Dans la société Mahoraise, il y a primauté du groupe sur l’individu, ce qui conduit à une mise en œuvre de diverses formes de solidarité, d’entraide mutuelle, de reconnaissance, de dons et de services. Les Mahorais n’hésitent pas à nous rendre service, à charge de revanche « demain, c’est moi qui aurai besoin de toi »
Le doyen d’âge est le chef, c’est le droit d’aînesse.
La femme est encore considérée comme inferieure à l’homme par certains Mahorais mais la société est matrilinéaire et matri localité.
C’est une société polygame et nataliste. L’enfant est considéré comme un don de Dieu, une assurance pour les vieux jours.
Profondément religieuse, (islam sunnite) la société traditionnelle mêle l’islam à l’animisme.
Les Mahorais sont fatalistes et providentialistes. Leur conception du temps ne comporte que deux dimensions ; le passé et le présent, le futur relève de Dieu…… (Et l’un des objectifs de l’éducation nationale est de parvenir à ce que l’élève élabore des projets !!!) Leur notion de l’espace est l’espace immédiat, tout ce qui le dépasse est surnaturel. Pour le Mahorais, tout ce qui lui arrive a une cause liée à Dieu par l’intermédiaire des Djinns. Le Djinn est un esprit surnaturel invisible, crée à partir du feu, au service de Dieu. Ce sont des esprits bons génies ou démons. Nous trouvons les TRUMBA, assoiffés d’alcool, les PATROSI assoiffés de sang animal et les RAWUHANI friands d’eau de la Mecque et se parfumant aux parfums orientaux. Les Djinns peuvent accomplir des miracles.
Le fundi , ou maître coranique ,est un personnage important ; il conjure le mauvais œil , implore Allah contre les calamités et spécialistes des breuvages magiques.
L’entrée à l’école coranique, vers 3-5 ans marque une rupture avec la culture spontanée de l’enfant dispensée par la famille. L’école coranique est payante, 10€ / mois, et, si les parents ne règlent pas cette dîme, les enfants travailleront en contre partie pour le maître (vaisselle à faire, repas, nettoyage de la maison du fundi, travaux des champs, bois à ramasser….tâches particulièrement lourdes que l’enfant effectuera le WE et pendant ses vacances, du matin au soir) l’enfant lui doit obéissance et respect…..
Mais l’enseignement religieux n’est il pas gratuit ???
L’enseignement coranique ne s’adresse qu’à la mémoire de l’enfant et non à l’esprit critique mettant ainsi en veilleuse « l’intelligence ». Les relations entre le maître et l’élève sont déplorables puisque les violences, les blessures physiques et d’amour propre, ne sont pas rares compromettant gravement l’avenir des enfants ; Ces châtiments visent à faire souffrir l’enfant puisque dans le Coran on pourrait lire (je ne l’ai pas encore lu !) la peur de l’enfant, petit être imprévisible, qui aurait donc besoin d’un encadrement sans complaisance des adultes.
Dans la société Mahoraise, les relations anonymes n’existent pas, c’est ainsi que, en vous promenant, on est saisi par la grande politesse des Mahorais qui saluent tous ceux qu’ils croisent. Il s’agit ainsi de reconnaître le pouvoir à l’adulte et implicitement la bonne image des parents qui auront « bien élevé leurs enfants ».
Par ailleurs, l’enfant ne peut répondre à la critique d’un adulte car il est dans une situation de dévouement total vis-à-vis de lui, ce que nous ressentons quotidiennement en classe : l’élève ne regarde jamais l’adulte dans les yeux et n’objecte jamais. Enfin, l’Islam et l’éducation religieuse façonnent l’esprit droit, car les menteurs seront punis dans l’Au-delà…..Lorsqu’un élève sèche les cours il se justifiera, si c’est le cas, « Madame, j’étais fatigué ! »
L’enfant fait partie de la réalisation de la femme dans son rôle conjugal. Un enfant est le symbole d’une union validée, d’épanouissement social de la mère. La cause de la stérilité est considérée comme un acte de malveillance effectué par un ennemi de la famille.
Dans la pensée traditionnelle mahoraise, un nouveau né est un ange et son esprit est encore dans l’autre monde, avec les anges et les morts .A partir de l’accouchement, la mère et l’enfant seront pris en charge, pendant 40 jours, par la famille d’ascendance maternelle. Le nouveau né est accueilli par le fundi qui le montrera au soleil et à l’eau, et le mènera à la mosquée lui indiquant ainsi le chemin de prière. Le « mwalimu » (fundi astrologue) est consulté pour déterminer le destin de l’enfant, si il est né sous un mauvais destin, le mwalimu confectionnera un « hirizi » (potion magique).
Après 40 jours, la mère se livre à un bain de mer purificateur, elle peut enfin démêler ses cheveux qu’elle n’avait pas le droit de toucher puisque considérée comme impur psychologiquement (les ongles et cheveux peuvent être utilisés pour jeter un sort contre quelqu’un.)
La maman prendra en charge son enfant à partir d’un mois et demi et le protégera du mauvais œil ; à Mayotte, il est déconseillé d’admirer un bel enfant qui attirerait les djinns : les parents ont alors une formule de protection pour détourner la menace.
Vers 2 ans, c’est le difficile moment, pour l’enfant du sevrage. Il passe du lait maternel à une bouillie de manioc ou de riz….dur dur !! La maman et l’enfant prendront alors un bain protecteur qui contient une plante spéciale préparée par le fundi. C’est le passage à un nouveau statut : la fin de l’allaitement, d’une affection exclusive et le passage à la réprimande, à la fessée. C’est le moment de l’affirmation de son identité. Le choc du sevrage sera atténué par la socialisation puisque l’espace de l’enfant s’élargira il découvrira un environnement plus large. Entre la mère et l’enfant il demeure beaucoup d’affection, mais malheureusement non exprimée, puisque ce sera également le moment pour la maman de manifester une grande autorité maternelle « car il faut bien élever ses enfants ».
A la maison, comme à l’école coranique, on utilise le « shengwe » avec lequel on fouette les enfants. Jusqu’à l’âge de 8 ans, le petit Mahorais s’appropriera ainsi l’essentiel des normes de la vie sociale et deviendra un auxiliaire précieux de la famille par sa participation à des tâches familiales déterminées….qui souvent seront prioritaires aux devoirs scolaires.
L’enfant appartient à la famille et non aux géniteurs, ainsi leur éducation est l’affaire de tous…. (Ou de personne….)
A cause de la polygamie, l’image du père est incertaine. L’enfant possède une multiplicité d’images paternelles (père géniteur, père nourricier, oncles….).L’influence de la mère sur l’enfant est recouverte par l’influence de l’islam qui assure la prédominance de l’homme sur la femme. La démultiplication des rôles parentaux, qui ne sont pas réservés aux géniteurs, peut être source de relations affectives riches, quand elle est harmonieuse, mais, dans le cas contraire, peut laisser l’enfant dans le vide affectif.
Puis l’enfant gravira les différents rites de séparations que sont la circoncision et la construction du banga (qui constituera l’objet de mon prochain article)