Violences et insécurité à Mayotte

21/01/2014 16:42

 

 

Sur le web, avaaz a lancé une pétition à destination de Manuel Valls :

« Depuis plusieurs mois, Mayotte est touchée par une vague de violences et de cambriolages d'une ampleur et d'une rapidité extrêmement inquiétante et touchant l’ensemble de sa population.
Ainsi Mamoudzou, chef-lieu de l'île, est devenu la 5ème ville la plus cambriolée de France. Les violences à la personne ont également explosé et touchent aujourd'hui l'ensemble du territoire de façon brutale et quotidienne.

Cette montée de l'insécurité à Mayotte nuit à son attractivité et fait fuir les compétences et les investisseurs.
Inexorablement, ce phénomène fait de Mayotte un territoire où il ne fait plus bon vivre et même une île proche de l'explosion.
Dans ce contexte, le sentiment d'impunité se développe et l'idée de se faire justice soi-même fait déjà beaucoup de dégâts.

En conséquence, nous demandons un engagement sans précédent de l’État afin d’éradiquer ce phénomène à Mayotte.

Les sources de cette montée de l'insécurité, nous les connaissons :
- un manque de moyen et d'organisation des services de police et de gendarmerie
- un manque de structures éducatives et de places d'hébergement pour les milliers de mineurs isolés
- un manque de moyens juridiques adaptés
- un manque de perspectives économiques et professionnelles. »

 Bilan sécuritaire : délinquance en forte hausse

« La délinquance est en forte hausse en zone police et augmente également en zone gendarmerie. Contrairement à la présentation des chiffres nationaux sur l’évolution de la délinquance par Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, Mayotte est particulièrement victime de ce phénomène »

Le bilan en matière de sécurité sur le territoire est très mauvais. En zone police, c’est-à-dire dans l’agglomération de Mamoudzou, le nombre de faits de délinquance aurait augmenté l’an dernier de 40% à 50% par rapport à l’année précédente. La hausse serait plus limitée en zone gendarmerie (Grande Terre): les chiffres y grimperaient néanmoins d’environ 10%.

 

L’explosion du sentiment d’insécurité

 

Cette augmentation de la délinquance concerne essentiellement les cambriolages et les vols de plus en plus souvent avec violence. Les faits les plus difficiles, en particulier les agressions sexuelles et les viols, seraient, eux, relativement stables contrairement au ressenti de la population : quelques affaires largement relayées dans la presse ont probablement contribué à ce sentiment biaisé. Aujourd’hui, à Mayotte, tout le monde est sensible à la question de la sécurité des biens mais aussi des personnes et chaque fait divers ne fait que renforcer un sentiment de malaise.

D’autant que les faits se sont banalisés. Nous sommes passés d’un braquage isolé à une installation des braquages dans le paysage comme une « normalité du quotidien ». Les braquages avec séquestration, semblent par perdre leur caractère exceptionnel. Les faits sont donc beaucoup plus nombreux. Et ils deviennent de plus en plus graves.

 

Violence désinhibée

 

Les raisons à ces augmentations massives sont nombreuses. D’abord, il est évident que les victimes portent plainte beaucoup plus facilement que par le passé. Les chiffres de la délinquance se rapprochent donc de plus en plus de la réalité 

 

A peine nés, déjà exclus

La « bombe à retardement » dénoncée par tous les observateurs politiques venus établir des rapports mène Mayotte à un point de non retour sur le chemin de la violence. Les vraies réponses tardent à venir malgré les multiples avertissements alors que les mesures prises dans l'urgence semblent bien éloignées des besoins réels.

La population accuse les clandestins :

Oui, il y avait bien des ''clandestins'' parmi ces délinquants, mais ils représentaient une minorité des cas moins de 30% Les ''Anjouanais'' prennent les risques, les ''autres'' se chargent d'écouler la marchandise. Ce schéma est devenu de plus en plus courant à mesure que les possibilités de déplacement des sans papiers se sont restreintes. Il n'en demeure pas moins que durant plusieurs années, une moto volée à Mayotte, avait de fortes chances de se retrouver à Anjouan, mais de là à exonérer les jeunes Mahorais de tout délit, il y a un pas qui n'aurait pas dû être franchi. Cette politique de l'autruche et du ‘‘ce n’est pas moi, c'est l'étranger'' a conforté une jeunesse désœuvrée et désorientée dans le sentiment que tout était permis.

Dans ce contexte, où en est la prévention ? Les politiques restent trop souvent silencieux sur la question.

 

Les augures sont mauvais

 

. Rien n’indique en effet un retournement de tendance, les chiffres resteront catastrophiques. Les faits divers relatés par la presse sont là pour en témoigner. Mayotte ne doit pas avoir peur de ces jeunes. Mais le fait est là : avec 50% de la population qui est mineure et une telle frustration par rapport à la société de consommation de la part de ceux qui n’ont presque rien, l’optimisme n’est pas encore à l’ordre du jour.

 

 

Voici une partie de l'échange entre le maire de Mamoudzou et le ministre de l'intérieur. Il contient quelques chiffres qui illustrent l'état d'insécurité qui règne à Mayotte:

"Le recensement qui est réalisé à Mayotte à un rythme quinquennal n’est plus en adéquation avec le rythme de la croissance démographique qui tend à exploser à une vitesse incalculable et cette inadéquation ne facilite guère la mise en œuvre des politiques publiques par rapport aux réalités du terrain. 50% de la population a moins de 25 ans.
 

40 % de la population est en situation irrégulière. Les mineurs isolés sur un territoire exigu, sont estimés à 3.000 enfants, dont 500 en grande fragilité, car livrés à eux-mêmes selon le rapport du défenseur des droits d’avril 2013. Tous les rapports publiés sur Mayotte font état d’un constat à répétition alarmante. Mayotte connaît une délinquance et une insécurité inquiétante.

 

En matière d’immigration clandestine, là aussi les chiffres parlent d’eux-mêmes, avec 13000 illégaux en un an selon Le Figaro du 7 novembre 2013, avec des reconduites aux frontières effectuées systématiquement. Le bras de mer séparant Mayotte et Anjouan est devenu le grand cimetière marin loin de l’affaire de Lampedusa qui a défrayé la chronique en Europe.

 

Face à ce fléau d’insécurité grandissante, quelles sont donc les mesures que le gouvernement propose pour Mayotte ?

 

 Réponse du ministre Manuel Valls

"Le constat est juste monsieur le sénateur Soilihi, mais ne date pas d’il y a 18 mois. Mayotte connaît également des problèmes de violences scolaires : les bus scolaires sont attaqués. Les dispositifs de sécurité ont évolué en conséquence. La lutte contre l’immigration irrégulière n’a pas cessé. Je me rendrai à Mayotte prochainement. Ce dont l’île a besoin, c’est de la réussite de son projet de départementalisation. Nous travaillerons sur tous les aspects, économiques, sociaux, sécuritaires, pour redresser la situation".

Des mesures prises dans l'urgence

Des opérations d'envergure ont bien lieu mais ont aura beau renforcer le dispositif de sécurité, personne ne peut s'y tromper : aucun dispositif policier ne pourra pallier l'absence de véritable politique sociale à Mayotte .On assiste à Mayotte à une sorte de guérilla entre des forces de l'ordre, certes bien équipées mais qui ne connaissent pas forcément le terrain, et des délinquants souvent en guenilles mais qui maîtrisent parfaitement leur environnement.

Très souvent (la plupart du temps) ces délinquants sont mineurs, parfois très jeunes, une dizaine d'années tout au plus. Ils ont parfaitement intégré l'idée qu'ils étaient intouchables puisque mineurs. Et le fait est que les moyens de pressions paraissent légers au regard des actes commis. En moins d'une décennie, on est passé du shengwe (fouet) utilisé de façon parfois leste aussi bien à l'école coranique qu'à l'école laïque, à l'idée que toute punition corporelle était délictuelle. C'est du moins ce que les jeunes, qui maintenant vont à l’école, contrairement à leurs aînés, laissent croire à leur parents dont bon nombre avouent craindre leur progéniture ! Si la baguette n'est pas une solution, l'impunité totale mène à cette situation inextricable. Les parents sont pénalement responsables des méfaits de leurs enfants. Combien ont comparu devant le tribunal de Mamoudzou pour que les victimes obtiennent réparation ?

Mayotte, un département français à la dérive

Mayotte. Une île nichée en plein cœur de l’Océan Indien avec son lagon, ses îlots de sable blanc.
Mais aujourd’hui, le 101è département français est à la dérive.
Les habitants protestent contre la vie chère.

Si la contestation sociale est suspendue, les violences sont quasi-quotidiennes. On ne compte plus les viols et agressions. « On a constaté beaucoup de faits divers, plus ou moins graves, plus ou moins sordides. L'insécurité est réelle", "Les viols et les agressions se multiplient ».

Les profs font leurs valises

Ces heurts violents dépassent largement le mouvement social contre la vie chère. Les habitants vivent dans la peur. Nombreux sont ceux qui comme les médecins, les profs ont déjà plié bagages. Dans l’enseignement secondaire sur 550 profs, outre ceux qui ont déjà décidé de partir à la fin de l’année scolaire. 25  ont déjà fait leurs valises.

La délinquance est un problème ! Auquel s'ajoute une violence devenue sans limites, gratuite, digne du film de Kubrick qui avait inquiété l'Europe en 1971, ''Orange mécanique'' !

Quelques exemples lus dans la presse locale illustre ce phénomène :

Une femme se promène avec ses enfants sur le bord de la route à Tsararano lorsqu'une bande de jeunes de Tsoundzou lui demande de l'argent. Ne pouvant en donner, les jeunes exigent qu'elle leur remette son téléphone. La victime refuse. Elle est giflée et un des jeunes sort un bâton et la frappe. Elle lâche son bébé de cinq mois. Ce dernier tombe au sol et reçoit un coup de pied. La victime donne alors son téléphone. Elle sera évacuée avec son bébé vers l'hôpital de Mamoudzou.

 Dans la même nuit, les gendarmes interviennent à M'tsamboro pour un différent familial qui déborde

 Des poubelles sont embrasées et barrent presque en totalité la rue principale.

 A Kani-Kéli, un jeune garçon âgé de 12 ans reçoit sur la tête une tige de fer, lancée semble-t-il accidentellement par un garçon du même âge. L'enfant décédera le lendemain des suites de ses blessures.

 Toujours ce même week end, en fin d'après-midi, un homme attend sur le bord de la route à Tsararano. Il est seul. Au passage d'un véhicule, il jette une boule de pétanque sur ce dernier. Le projectile brise la fenêtre de la voiture et des éclats de verre atteignent le visage de la passagère arrière droite.

 Plus grave encore, c'est une bande armée d'une trentaine de jeunes de Passamainty qui effectue une sorte d'expédition punitive sur le village voisin de Tsoundzou. Non contents de vandaliser une douzaine de véhicules, ils s'en prennent à un jeune homme qui passait par là, le laissant pour mort avant de s'évanouir. Raphaël est toujours dans le coma, entre la vie et la mort.

Il y a dix jours, à la sortie d'un concert, un jeune homme a été violemment frappé à la tête. Après 10 jours de coma, il est décédé dimanche.

Comment sortirons-nous de cette impasse ?

Cependant, ne vous inquiétez pas pour moi, je demeure à Petite Terre, considérée comme le Neuilly de Mayotte (même si de métropole l’endroit semble populaire), et je me sens en sécurité sur cette petite île du bout de monde.