violences chez les jeunes
Violence chez les jeunes
La violence chez les jeunes m’interpelle.
A la sortie de mon lycée, un attroupement ; bizarre !! Au centre, 2 élèves, des filles, et autour, formant un cercle, une centaine d’élèves et des cris….
J’interroge du regard mon collègue, homme, qui se trouvait à proximité : « Elles peuvent se tuer, ce n’est pas mon problème »
Bon, ben je me lance, je brave le cercle et m’interpose entre ces 2 filles avant qu’elles n’en viennent aux mains. Le ton était vraiment menaçant, le tout attisé par les spectateurs qui ne demandaient qu’à assister à une baston, c’était chaud, très chaud !
J’ai souvent assisté, dans mon LEP, en métropole à ce genre de rixe , à la différence prés qu’il y avait toujours un élève ou deux, pour les séparer, là, non, bien au contraire, et il n’est pas nécessaire de connaître le shimaorai pour le comprendre.
Mon corps faisant obstacle , elles continuaient à s’injurier , mais , étant plus grande qu’elles , elles se sont , non sans mal , séparées…… malheureusement elles se sont battues plus tard , plus loin, au détriment de Mélika , une de mes élèves , qui a aujourd’hui , le bras paralysé.
Je suis allée voir sur internet me rendre compte de l’ampleur du phénomène.
Voici quelques exemples :
Le premier de ces faits divers s'est déroulé dimanche et met en scène deux groupes de jeunes originaires de deux villages, Hamjago et M'Tsahara tous deux situés sur la commune de M'Tsamboro à l'extrême nord de Mayotte. A la suite d'un match de football, une bagarre éclate entre les deux groupes sans entraîner malgré tout de graves blessures. Mais comme cela arrive souvent à Mayotte, l'historie ne s'arrête pas là et la vendetta se met en place. Lundi, en fin d'après-midi, trois jeunes de Hamjago, estimant probablement que l'affront de la veille n'avait pas été lavé, jettent des cailloux sur deux bus de transport scolaire qui ramenaient les élèves du village de M'tsahara. Les gendarmes vont devoir intervenir, emmener les trois gamins récalcitrants et convoquer les parents pour les « inciter à responsabiliser leurs enfants », précise la gendarmerie.
En début d’année, alors que je faisais un cycle de 3X500m, un de mes élève, sérieux et sympa comme tout, m’explique qu’il ne peut plus courir
« Madame, vous ne comprenez pas, j’ai été tabassé par des jeunes de Labattoir (un bourg de petite terre), et depuis, je souffre au dos, cela fait 3 ans de cela…..
_ Mais que t’a dit le médecin ?
_ Rien »
Est il sans papier ?, je ne le sais pas, mais je n’ajouterai pas de commentaire, je ne veux pas être mauvaise langue…..
L’histoire se répète, ce sont toujours des rivalités entre jeunes de différents quartiers qui s’affrontent.
Encore une vendetta lundi, mais cette fois entre deux filles qui, à la sortie du collège. Emmenées au poste avant d'être remise entre les mains de ses parents. Une enquête crêpage de chignon qui va dégénérer. L'une des deux amazones sort un couteau pour ''planter'' sa collègue. La blessure est superficielle mais la collégienne est malgré tout orientée vers le centre hospitalier de Dzaoudzi. L'auteure du coup de couteau est interpellée afin de définir les circonstances exactes de cette agression.
Cette violence me semble bien plus récurrente qu’en métropole.
Quelles en sont les raisons ?
La violence chez les jeunes n’est pas nouvelle et elle est proportionnelle à la violence générale actuelle. Elle est le reflet d’une augmentation de la violence sociale. Une violence qui depuis 20 ou 30 ans, à Mayotte, ne cesse de croitre.
Les inégalités d'éducation et le sentiment d'injustice et de discrimination à l'école. L'étude des parcours scolaires révèle que plusieurs groupes de descendants d'immigrés sont surreprésentés parmi les non-diplômés du second cycle de l'enseignement secondaire et sous-représentés parmi les titulaires du baccalauréat. Ces inégalités s'effacent lorsque la position sociale et le niveau scolaire des parents sont pris en compte. L'orientation scolaire est l'aspect le plus souvent perçu comme injuste par les descendants d’immigrés. Les injustices scolaires sont fréquemment attribuées à des motifs discriminatoires à caractère ethno-racial : parmi ceux qui déclarent des injustices, nombreux l'associent à leur origine ou à leur nationalité, à la couleur de leur peau, a leur nationalité, La confiance dans le système scolaire reste cependant élevée, même si elle s'affaiblit dans les groupes où la discrimination est la plus fortement ressentie.
A Mayotte, pas moins de 44 % des jeunes de 18 ans seraient illettrés. En métropole, cette situation touche une fraction très minoritaire de jeunes qui accumulent les difficultés (sociales, relationnelles, de santé, etc.), mais dans les Dom, l’illettrisme touche une fraction entière de la jeunesse.
…………et quand les mots manquent, la violence explose !! Quand la parole fait défaut, quand elle ne peut plus contenir la violence qui est en soi, la solution ultime pour apaiser ses tensions internes, pour ne plus souffrir est le passage à l’acte qui est un appel au secours alors que la parole permet de désamorcer l’acte.
L’autorité parentale, l’autorité collective, l’autorité pédagogique doivent être un tout .Un même arbitraire culturel signifie une communauté de valeurs partagées ; A Mayotte, les parents sont en perte de repères, la société évolue, ils ne suivent plus, les valeurs ne sont plus partagées, le geste ou le mot éducatif « parental », ou « scolaire » ne tirent plus de cohérence. L’école républicaine prohibe le fouet, les sanctions physiques par exemple, les enfants menacent les parents « c’est interdit, tu n’as pas le droit ». L’arbitraire culturel historique du dispositif est trouve perturbé. Les parents sont lassés par l’incompréhension avec leurs enfants.La violence chez les jeunes peut ainsi traduire la fragilité d’un dispositif éducatif qui a désormais changé de structure et qui présente aujourd’hui des paradoxes, des antagonismes internes.
Tant que les parents ne pourront avoir de prise sur le pôle scolaire, pôle autant redouté (barrière linguistique et culturelle) que convoité (moyen de réussite sociale des enfants) on peut imaginer que les enfants continuent à évoluer, par la violence, à l’intérieur d’un espace délaissé tant par les professeurs que par les parents, où ils sont les seuls maîtres du jeu, du fait qu’ils sont pour l’heure les seuls à disposer d’une connaissance des deux systèmes.
Il y a aussi la déception d’une attente d’évolution favorable de la société Mahoraise suite à la départementalisation, qui pose, au contraire, maints problèmes que les habitants n’avaient pas anticipés.
Une nouvelle drogue a fait son apparition à Mayotte ces deux dernières années. Le THC de synthèse, acheté légalement sur Internet, serait mélangé à du tabac pour créer des joints très explosifs pour les jeunes amateurs. La consommation de cette drogue serait une des cause de la flambée de violence que connaît l'île aux parfums.
"Ce qu'il y a de bien c'est que tu peux te balader avec et te faire arrêter, les keufs ne verront rien, c'est du tabac. Mais si tu l'allumes, c'est toi qui ne verra plus rien, tu vas décoller mon pote et pas redescendre”, confie un dealer a un quotidien mahorais.
Depuis, de nombreux jeunes se livrent à des guerres de territoire pour contrôler le commerce de cette drogue.
"Ce truc te tue vraiment la tête, tu ne maîtrises plus rien, tu perds le contrôle", explique un adepte de cette fumette aux effets dévastateurs.
Mais alors, que faire ?
De la prévention, de l’information.
Est-ce un extrait de mission impossible ?
Des associations se proposent d’aller au devant des jeunes :
Depuis plusieurs semaines les jeunes de Mamoudzou et ceux de Kawéni s’affrontent dans les rues de la commune. Battes de baseball, armes blanches, jets de pierres etc. sont les armes qu’utilisent ces gamins. Douleurs et amertumes gagnent les cœurs des parents. La haine et désir de vengeance s’emparent des jeunes de la commune.
Comme tous les adolescents, ceux de la commune de Mamoudzou, notamment cette partie de la jeunesse qui est en difficulté veut s’affirmer et se créer une identité. Face à la démission des parents, la rue, les bandes servent de sphère de transmissions de valeurs…qui ne correspondent pas forcément avec celles du vivre ensemble, celles du respect mutuel et du dialogue !!!!
Certaines associations organisent des voulés, un grand moment de partage entre jeunes. Bien sûr, il n’était pas question de faire uniquement un voulé, puis s’en aller. Elles prennent le temps de parler aux jeunes, de leur faire prendre conscience de la gravité ces actes. Dans ce genre de situation, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. Il n’en résulte que des blessures, de la haine et des vengeances. Les jeunes sont réceptifs aux discours mais les parents des ces adolescents sont très peu nombreux….. Peu de parents se mobilisent. Pourtant, ils sont les premiers responsables quant à l’éducation de leurs enfants.
Il y a également une chose sympa pour soulever une prise de conscience, c’est le théâtre forum et ce, dans les écoles, mais aussi, pourquoi pas, avec les jeunes déscolarisés.
Redonner une image positive de soi au travers de thématiques qui les concernent au quotidien, et par ce qu’ils vivent malheureusement (suite au décès de Charifoudine ,par exemple un jeune, tué au lycée de Mamoudzou lors d’une altercation avec d’autres jeunes). Persuadés que cet état de fait n’est pas une fatalité mais qu’il faille réinventer un vivre-ensemble en commun, l’idée d’un projet théâtre forum serait de rendre également les jeunes, acteurs de leur propre développement mais également de celui de la société dans laquelle ils vivent.
Organiser également des débats après avoir visionné un film, « susciter un espace de réflexion et de partage sur des thématiques qui concernent leur vie de tous les jours puisque sont abordés des thèmes encore d’actualité pour Mayotte tels que les rivalités entre jeunes de villages différents, la solidarité entre eux, la mobilisation communautaire en vue de réaliser un projet malgré les différences de classes sociales, la réconciliation malgré tout »…