religion et animisme
Mayotte est une terre de rencontres pour différentes croyances religieuses.
Une étude de l’histoire de l’île montre que les Arabes à l’origine de l’islamisation des Mahorais, n’étaient pas des jihadistes mais au contraire, des marins marchands et parfois une poignée de nobles sunnites fuyant des guerres de religion sur leurs propres contrées.
On observe alors une cohabitation tolérante avec les croyances locales, les pratiques animistes d’origines bantoue qui se voue au culte des ancêtres tel qu’il est pratiqué à Madagascar dans la religion ancestrale des Sakalava : les esprits des rois et reines ou de guerriers morts, dans le culte du troumba malgache, du shengué mahorais, du m’gala anjouanais ou du datchi m’roni mohélien. Les souvenirs et les exploits des vies antérieures restent vivaces et honorés, réussissant à traverser les siècles dans une communion des peuples avec leur histoire collective.
A ces croyances dominantes s’ajoutent une autre, plus récente, d’inspiration arabe et orientale et qui occupe une place très importante dans la société comorienne, mais aussi, et surtout à Mayotte ; celle des Djinns (que l’islam n’hésite pas à qualifier de chait wan : satan, le malin) d’inspirations arabes et orientales. C’est le temps du rêve éveillé à l’intérieur duquel le matériel et l’immatériel, le divin et le profane, ou encore le naturel et le surnaturel ne forment qu’un.
Pour les Arabes, les djinns représentent une autre race habitant la terre, ce sont des esprits qui habitent les endroits déserts, les points d'eau, les cimetières et les forêts.
Pour se manifester, ils prennent diverses formes dont celles de l'homme ou des animaux, couramment des serpents. Le mot djinn désigne d'ailleurs à la fois ces esprits ainsi que certaines variétés de serpents. Leurs noms, paroles ou comportements, qui demeuraient étranges, permettaient de les discerner des humains quand ils en prenaient la forme. Certains de ces esprits étaient, selon les légendes préislamiques, les muses des poètes : ce sont les hawāǧis .
Comme les hommes, ils sont organisés en royaumes, États, tribus, peuples, ils ont des lois et des religions. Le monde des djinns est donc un monde parallèle, c’est aussi un monde en négatif car les djinns transgressent les interdits humains, ils consomment du sang, de l’alcool ou utilisent des parfums.
A Mayotte la croyance dans les djinns arabes s’est mélangée aux anciennes croyances locales issues des cultures malgaches ou bantoues (dont ils sont issus). Il y a des bons et des mauvais djinns. Les djinns, lorsqu’ils font une incursion dans le monde des humains, empruntent provisoirement un corps, souvent celui d’une femme. Si la possession est pacifique, l’esprit est considéré comme un conseiller de la famille; s’il y a conflit, c’est la « crise de djinn » et alors il faut avoir recours à des pratiques de désenvoûtement.
Il existe des cérémonies secrètes qui visent à exorciser les « djinns »
Quand une personne (souvent une femme ou une jeune fille) tombe malade de façon inexplicable, c’est qu’elle est peut-être possédée par les « djinns ». Les médecins ne lui trouvent aucune maladie ; toutefois son état empire. Alors, il faut pratiquer la « marumba ». C’est un rite d’exorcisme qui se déroule en deux étapes. La première consiste à identifier le « djinn » (cette identification s’appelle le « patrossi ») car la personne ne sait pas qu’elle est possédée. Alors, sa famille va consulter le « foundi », un sage religieux musulman, et c’est lui qui annonce qu’il y a bien possession. Le « foundi » entre dès lors en contact avec le « djinn » qui lui exprime ses vœux de nourriture et de boisson. Commence alors la seconde étape, le « roumbou » : on commence par réveiller les « djinns » en les applaudissant afin que la personne possédée se sente rassurée. Puis on se met aux petits soins du djinn en offrant lors d’une grande fête tout ce qu’il réclame. Des aliments et de la boisson (de l’alcool principalement), des parfums, le sang de chèvres en sacrifice…
Ce qui est magnifique, c’est que tout le monde peut assister au « roumbou » ; il n’y a pas d’invités précis. Et, à la fin de la fête, chacun consomme tout ce qu’il veut tandis que les « djinns » boivent le sang de l’animal et se partagent la viande entre eux.
De façon générale, on distingue trois catégories de pratiques magico-religieuses: celles des djinns; celles de tous les jours, tolérées, qui se font à visage découvert et reposent sur une panoplie de prières; celles dans lesquelles d’autres sciences ésotériques de la culture islamique sont mises à contribution.
Il est ainsi possible qu’une personne aille à la mosquée le matin puis participe l’après-midi à une cérémonie "païenne" en honneur aux ancêtres.
Il est également courant à Mayotte qu’un fidèle musulman puisse recourir aux séances de désenvoûtement (rumbus), durant lesquelles les participants peuvent boire de l’alcool, pourtant interdit par l’Islam. Ce recours au surnaturel est l’apanage de tous : hommes d’affaires, politiciens, entrepreneurs et fonctionnaires consultent les esprits dans l’espoir d’obtenir protections.
Ce syncrétisme religieux engendre une pratique modérée et particulière de la religion musulmane
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lundi 9 décembre 2013
Crise de Djinns au collège
Mayotte Hebdo 5 décembre [FAITS DIVERS] Quand les Djinns s'invitent à l’école... Le collège de Tsimkoura est actuellement vidé de ses élèves après une crise de Djinns ! L'affaire aurait débuté mardi et se serait aggravé ce matin avec une trentaine de collégiennes en transe, atteinte par "les esprits", la plupart en plein cours… Responsables de l’établissement scolaire et parents d’élèves sont en ce moment en pleine discussion pour savoir quelle suite donner à cet événement peu commun. L’épidémie s’est rapidement propagée et la situation est vite devenue problématique.
« Il s’agit de crises de panique venant des parents », indique le vice-rectorat, pas vraiment habitué à ce genre de phénomène. Mais la situation est vite devenue « ingérable » et, selon les mots du vice-rectorat, certains élèves ont eu des crises prononcées, avec des convulsions. Plusieurs personnes ont demandé l’évacuation de l’établissement et une quarantaine d’élèves – sur plus du millier que compte le collège – repartaient avec leurs parents.
Cet après-midi, le principal a prévu un travail avec professeurs et élèves autour d’un discours plus rationnel.