La femme dans la société mahoraise

15/02/2014 11:12

 

Ma voisine est rebelle, instable, fragile, affligée, déchirée .Occidentalisée, elle ne trouve pas sa place dans la société mahoraise .Sa famille, son mari lui reprochent, son indépendance, j’ai voulu en savoir plus sur la place de la femme dans cette société qui se cherche, cette société en perte de repère.

C’est au travers de témoignages de femmes se racontant, de portraits instantanés de Comoriennes s’évertuant à trouver une issue favorable dans les méandres d’un quotidien difficile, que j’ai mesuré toute la complexité de leur situation.

 

«  On peut juger du degré de civilisation d’un peuple à la situation sociale de la femme » Domingo Faustino Sarmiento 

 

Selon la convention collective, c’est la mère et seulement la mère qui est jugée apte à effectuer le choix du mari et la demande en mariage. Et le mari idéal, l’époux convenable doit être de famille noble mahoraise. Pas question de choisir un Mahorais d’une famille inconnue par les mamans Mahoraises. Pas question de choisir un Métropolitain. Pas question de choisir un Comorien d’Anjouan, de la Grande-Comores ou de Mohéli. Sinon, on couvre d’ignominie sa famille. En vrai, ce n’est plus un mariage des enfants, c’est un mariage de familles et de mères …

Lorsqu’une fille effectue des études universitaires en métropole, elle aura du mal, si elle n’a pas emmené un époux m’zungu, avec elle , a se marier. Si on propose à un Mahorais de choisir entre une femme instruite et une femme de type traditionaliste, c’est sûrement celle qui est traditionaliste qui l’emportera. Parce que la femme de type traditionaliste peut accepter sans rechigner l’inconstance de son mari. (D’ordinaire, on ne coupe pas la main qui nous nourrit). Les femmes de type traditionaliste vivent dans cette peur qu’elles appellent respect. La société mahoraise est machiste. A Mayotte, la femme a comme principaux rôles : s’occuper de son mari comme un prince, faire les travaux domestiques et faire des enfants. Et dès qu’une femme cherche à se dégager du chemin battu, elle n’est plus épousable. La femme d’antan n’avait pas le choix. Analphabète, elle se contentait de jouir de son rôle de femme au foyer.

Quant aux femmes instruites, elles préfèrent être seules que mal accompagnées. Elles refusent d’être femmes au foyer et repoussent toutes les propositions de leur mère. Il s’en suit, bien souvent, que plus aucun membre de ma famille ne leur parle convenablement. Elles deviennent la honte de la famille. Il faut savoir que dans la culture mahoraise, le droit à la révolte n’existe pas. Le fait d’être devenue une femme instruite, une femme moderne, n’est pas si bien accepté que ça par les hommes mahorais qui en sont effrayés, car elles font preuve, à leurs yeux, de trop d’émancipation, voir d’insoumission. Ils préfèrent des femmes soumises, des femmes qui ne posent pas de questions. Ces femmes ont-elles envie de partager leur vie avec des hommes qui, sous couvert de tradition et de religion, n’ont nullement le désir d’évoluer eux-mêmes C’est surement difficile de s’épanouir à Mayotte en tant que femme. Dès qu’une femme est ouverte, parle avec tout le monde, on ne la respecte plus. En effet, les hommes mahorais ont eu droit à un schéma qu’ils reproduisent Ils emboîtent le pas à leurs parents.

Les mères mahoraises sont elles déterministes ou possessives ?

Dans tous les cas, les mères mahoraises, et comoriennes en général, disent à leurs enfants qu’ils resteront à jamais débiteurs envers elles. Parce que sans elles, ils n’auraient jamais vu le jour. Cependant à Mayotte, et en Afrique noire en général, un enfant, une fois adulte, est une source essentielle du revenu familial. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les parents ne tolèrent aucune once de rébellion de leurs enfants. Toute tolérance, aussi moindre qu’elle puisse être, pourrait être à l’origine d’une libération, d’une liberté. Ainsi faut-il maintenir les structures et les mentalités de la solidarité familiale, au détriment de l’individualisme. L’intérêt de la famille doit-il toujours passer avant l’intérêt personnel ?

J’ai du mal à comprendre les parents, et surtout les mères, qui envoient leurs filles étudier dans l’hexagone et s’étonnent de retrouver leurs enfants métamorphosés .A quoi bon découvrir la différence si ce n’est pour en ressortir soi-même transformé ? A quoi bon étudier et apprendre si ce n’est pour en ressortir grandi, fort d’une expérience décisive pour l’avenir ?

J’ai le sentiment qu’aujourd’hui se crée un déséquilibre entre les mentalités des unes qui envisagent leur vie dorénavant de façon dynamique, et la mentalité des uns dont le seul mot d’ordre semble être « immobilisme toujours ! ». L’occident a connu ce déséquilibre qui, malheureusement subsiste encore, même si à moindre échelle. Toutefois, on peut espérer que le mode de vie et de pensée des jeunes femme mahoraises étant en pleine évolution, celles-ci sauront transmettre à leurs enfants, garçons comme filles, une éducation tendant vers une plus grande égalité des sexes … »


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